Vie et sentences de l'abbé Fournié

                

Prêtre apostat, suppôt de Satan pour les uns (Dr Bataille) ; le plus grand parmi les émules au sein de l’ordre des Elus Coëns pour d’autres (J.Matter); auteur d’écrits amphigouriques incompréhensibles selon certains (Vialettes d’Aignan), divin orpailleur pour d’autres (Louis-Claude de Saint-Martin)…
Tel nous apparaît l’abbé Fournié : objet d’appréciations contradictoires.
 Il nous est présenté comme le disciple intègre et l’irréductible défenseur des enseignements délivrés par le grand théurge et mystagogue bordelais Don Martinès de Pasqually.
  Non pas brillant mais doué d’un indéniable charisme. Plume maladroite, peut-être, mais au service d’un ordre hermétique qui n’en a pas fini d’illuminer la suite des temps.  Ses convictions chevillées au corps, l’âme toute tendue vers l’Éternel, tel se présente en réalité l’abbé Pierre Fournié .  « Clerc tonsuré » en mal d’un bénéfice qui lui eût sans doute procuré l’aisance matérielle mais que nous aurions alors peut-être perdu. Ecclésiastique de bonne famille mais impécunieux, telle la postérité nous l’a conservé.
      Dans ce livre, le premier qui lui soit entièrement consacré, l’auteur entend tout d’abord donner un visage à celui dont la figure se perd dans les brumes de la légende ; pour ensuite entrer de plain-pied dans la lecture de son unique ouvrage, que personne n’a vraiment lu depuis un demi-siècle.


Titre : Vie et sentences de l'abbé Fournié
Auteur : Philippe Guéniot
Nb. pages: 270
N° ISBN : 978-2-36353-127-8

Prix public : 24,50€
Poids : 400 g.
N°ISBN/ePub : N.A
Date édition : AVRIL 21 -tirage limité-

Entretien avec l'auteur

Philippe Guéniot : pourquoi un livre sur l’abbé Fournié ?
 
Pour une fois on ne pourra pas dire « un de plus » car… il n’y en a jamais eu ; celui-ci est le premier entièrement consacré à Pierre Fournié, « clerc tonsuré », né sous Louis XV en 1738 et mort en exil en Angleterre, en 1825. Membre de l’Ordre des Élus Coëns fondé par Martinès de Pasqually.
Ce qui au premier regard retient l’attention c’est la grande variété des jugements qui ont été portés sur notre homme et sur ses écrits. Il est rare qu’un penseur soit à ce point porté aux nues ou voué aux gémonies.  Quelqu’un que ses contemporains ont adoré ou au contraire détesté mérite sans doute qu’on y aille voir de plus près.
 
Quelle peut-être alors la place de l’abbé Fournié ?
 
Encore une fois, pour les uns elle est nulle : L’abbé ne serait qu’un médiocre vulgarisateur, inculte, ignorant, quasi illettré ; pour d’autre sa place est dans les toutes premières parmi les visionnaires, les mystiques et autres illuminés.
 
Que sait-on au juste de lui ?
 
En fait on arrive à le suivre à peu près pendant un quart de siècle, entre 1768 et 1792 entre sa trentième et sa cinquantième année ; avant on ignore à peu près tout de lui et la dernière partie de sa vie, son long exil, plus de trente ans, en Angleterre, demeure très mal connue. À vrai dire tout ce qu’on connaît de lui a été rendu public, mais de façon éparpillée sur les deux cents ans qui nous séparent de sa mort. Je me suis employé à réunir tous ces matériaux épars et à les mettre en forme.
Son nom reste indissociablement attaché à celui de Martinès de Pasqually le grand théurge bordelais et à l’ordre des Élus Coëns qu’il a fondé. Fournié a été le secrétaire particulier du premier et secrétaire général pour l’Ordre. Sa personnalité et son œuvre en sont l’expression.
 
Vous accordez une grande importance aux témoignages de ses contemporains et à la façon dont la postérité l’a jugé ?
 
Oui, en effet, les jugements qui ont pu être portés sur le personnage et sur ses écrits, les mettent en lumière et leur donnent un peu de consistance. Par exemple les liens compliqués de l’abbé avec le lyonnais Willermoz que son esprit de charité l’empêche de détester mais dont on sent bien qu’il ne l’apprécie guère, pas plus que la maçonnerie dite rectifiée dont celui-ci prend la tête.
 
Vous faites une place à part à l’un d’eux : Jean-Jacques Duroy d’Hauterive. Pourquoi ?
 
Jean-Jacques Duroy est une figure très attachante, il présente des points communs avec notre abbé. Tous les deux sont des fidèles parmi les fidèles de Martinès, tous les deux s’installèrent à Londres.
Duroy est dans une relation ambiguë avec l’abbé : il est très attentif à sa personne, organise la collecte de subsides qui lui sont destinés, s’inquiète de sa situation, le recommande aux frères de Bordeaux et de Toulouse mais en même temps reste très vigilant sur les points de doctrine car il sait l’abbé audacieux dans ses hypothèses. Dans les années qui précèdent l’arrivée de Fournié à Londres, Duroy entretient une correspondance avec le Temple de Toulouse, riche de renseignements, dont une partie avait déjà fait l’objet de publications partielles. Nous donnons en annexe du livre les lettres conservées dans le fond Du Bourg de la Bibliothèque municipale de Toulouse. Cela permettra au lecteur de se faire une idée sur les préoccupations de cet émule, alter ego de Fournié et sur la vie quotidienne dans cette immense ville de Londres, en laquelle l’abbé va fondre son existence parmi un million d’autres et où il va publier son unique ouvrage.
 
Justement, vous abordez dans la deuxième partie de votre livre, l’étude du traité de l’abbé Fournié et des idées qu’il y défend. Que peut-on en retenir ?
 
Tout d’abord et contrairement aux idées reçues, Fournié ça n’est pas du tout Martinès de Pasqually. À aucun moment il n’ambitionne de « vulgariser » l’œuvre du maître, laquelle de toute façon n’est encore diffusée que de manière ultra-confidentielle. Non, Fournié, c’est du Fournié : les écrits d’un chrétien mystique, ésotérique et visionnaire. C’est une œuvre en soi qui mérite qu’on s’y arrête. Inutile de chercher à établir des comparaisons : Fournié n’est pas Saint-Martin et surtout pas Willermoz. À l’instar d’un Franz von Baader qui cherchera fébrilement au tout début des années 1800 à acquérir un exemplaire du livre de Fournié et à entrer en contact avec son auteur, j’ai lu et relu le traité de l’abbé pour en extraire et présenter les éléments de doctrine essentiels.
 
Fournié à la réputation d’être confus, redondant. Vous confirmez cette vision ?

 
Oui … et non.  Oui pour le lecteur qui rechercherait en ces écrits un exposé méthodiquement conduit et scrupuleusement organisé d’un corpus d’idées et de concepts savamment élaborés…mais quel visionnaire, et Fournié en est un, est jamais parvenu à couler dans un tel moule les visions qui furent les siennes ?  Notre ambition, dans ce livre aura été d’en faciliter l’accès au lecteur d’aujourd’hui curieux de découvrir ce qui, chez cet homme, aura pu retenir l’attention de ses propres contemporains et de comprendre comment les enseignements du grand myste  bordelais ont trouvé à se conjuguer avec les visions propres  dont Pierre Fournié était habité.
 

extrait de l'ouvrage "Vie et sentences de l'abbé Fournié" de philippe guéniot

C’est dans le trois (2+1), en perspective du quatre (2+1+1), que se résolvent toutes dualités, que se résorbent toutes contradictions ; et c’est dans le sept (six plus un) que se peut seul goûter le repos.
En ces deux assertions tient l’essentiel de toute haute science, la seule susceptible de nous intéresser -c’est-à-dire de nous placer au cœur de l’être : -inter-esse- : non pas de celles, toutes mondaines,  qui ne vont que par « le poids, le nombre et la mesure » mais de cette autre, toute autre, science à laquelle nos dispositions seules, conjuguées à nos vertus et aux grâces venues d’en-haut, nous ménagent l’accès et qui peut bien faire l’économie de tout cadre axiologique, de tout protocole expérimental, de toute publication savante. Son contenu est déposé dans un livre d’une dizaine de feuillets seulement. Dix feuillets disons-nous qui exigent cependant qu’ils nous soient traduits dans une de nos langues ordinaires.
Sur le chemin qui mène à cette science-là, un homme, quasi inconnu de notre modernité, un certain abbé Fournié, à qui les pages qui vont suivre sont entièrement consacrées, nous éclaire puissamment quoi que ses contemporains, et plus encore la postérité, en disent. Il nous y conduit dans le contre-jour d’un siècle qui, en sa fate présomption, s’est voulu dispensateur des seules lumières de la raison ; allant jusqu’à faire de celle-ci, en la réhaussant d’une imposante majuscule mais sans la grandir pour autant, la déesse Raison[1], divinité toute païenne, objet d’un nouveau culte.
Au nom de ces mêmes lumières et du culte rendu depuis lors, sous diverses formes et acceptions, à cette nouvelle déité, les enseignements de l’abbé Fournié ont été caricaturés pour être ensuite rejetés, dénoncés comme autant de sottises et fadaises, mises au rebut ; le nom de leur auteur ignominieusement frappé d’opprobre, sa santé mentale questionnée et sa mémoire vouée à sombrer dans le plus sépulcral des oublis.  
Abandonné de tous, ou presque, l’abbé Fournié tout comme son œuvre et son enseignement, avec lesquels nous allons ici faire connaissance, n’en brillent pas moins au firmament de ceux qui savent vers quels Cieux tourner leurs regards afin d’y lire les signes de la promesse de notre accomplissement. A intervalles irréguliers cette figure incontournable du mysticisme chrétien, opère cependant son retour dans notre ciel et se lève à l’horizon de nos spéculations les plus hautes, tel un corps céleste lumineux aux mouvements erratiques répondant à des cycles imprévisibles et au gré d’improbables révolutions.

[1] Le paroxysme sera atteint le 20 Brumaire an II (10 novembre 1793) lorsqu’en la Cathédrale de Paris, rebaptisée pour la circonstance par la Convention Notre-Dame-de-la-Raison, sera célébré un office républicain à cette nouvelle idole. Les esprits surchauffés étaient préparés depuis près d’un demi-siècle à cette grossière mais néanmoins très sophistiquée contrefaçon d’apothéose.  Notre abbé, qui avait par anticipation dénoncé l’immonde supercherie, se trouve fort heureusement soustrait à cette folie ; lui qui depuis un an a quitté le sol de la France dès lors que celle-ci, ayant renoncé à son baptême, ne fût plus, ni chrétienne, ni un royaume.

Table des matières

Prologue 11
L’abbé Fournié au crible de la critique 19
Dramatis Personae 57
I Martinès de Pasqually 59
II Jean-Baptiste Willermoz 81
Le legs de l’abbé Fournié 119
I Genèse de son Traité 119
II Sentences et maximes 135
 Analogie entre les mathématiques et la science du divin, ou théologie. 137
 Penser, regarder, c’est tout un. 143
 Le drame des commencements 150
Prévarication I : du Lucifer verbeux à Satan 154
Prévarication II : De l’Adam Premier à ses héritiers 159
 Abîmés dans le Monde 169
 Le Devenir-homme de Dieu et le devenir-dieu de l’homme ou la réintégration finale 179
 De la vaine gloire de ce monde à celle de Dieu 192
Annexes 203
Lettres de Jean-Jacques Duroy d’Hauterive 203
Repères bibliographiques 257